La France est le seul pays qui dispose encore aujourd’hui de l’ensemble des ateliers et des maîtres artisans maîtrisant les techniques d’estampes originales : taille douce, lithographie, sérigraphie, héliogravure, bois gravés, pochoir. Ces ateliers et les artisans qui les animent sont pour les artistes contemporains non seulement un moyen de diffusion de leur travail vers un public d’amateur, mais aussi un outil de recherche et de création en collaboration avec un professionnel.
Au milieu du XXème siècle, avec plus d’une quarantaine d’ateliers, Paris était considéré comme la capitale mondiale de l’estampe. C’est autour de projets de création et d’édition d’œuvres originales multiples, qui font aujourd’hui partie de l’histoire de l’art et du patrimoine, que se sont ainsi rencontrés, artistes et maîtres imprimeurs. Pablo PICASSO chez George LACOURIERE, à l’atelier MOURLOT et avec les frères CROMMELYNCK, Pierre ALECHINSKY et le groupe Cobra chez Peter BRAMSEN, Jesus-Rafael SOTO, Robert & Sonia DELAUNAY chez Wifredo ARCAY… Pour Pierre SOULAGES, la découverte avec les techniques de la gravure se fera avec George LACOURIERE, la Lithographie à l’atelier MOURLOT.
Car les ateliers d’estampes sont des « laboratoires » qui permettent aux artistes de sortir de l’isolement de l’atelier du peintre et d’expérimenter des outils de création originaux dans un dialogue avec l’artisan imprimeur. Cette tradition de collaboration se perpétue ainsi aujourd’hui dans « les ateliers du multiple » grâce a ces savoir-faire au service des artistes. (article Art Presse avril 2017).
Pour de nombreux artistes contemporains, l’estampe est un outil de recherche et de création faisant partie intégrante de leur œuvre comme le souligne Pierre SOULAGES : « … en réalité pour la gravure comme pour la peinture, je travaille poussé par une passion, et quand je me passionne pour quelque chose je ne fais que ça. J’ai des crises de lithos, j’ai des crises de gravures comme j’ai des crises de peinture… j’aime bien me jeter à fond dans une technique et ne penser qu’a ça, oublier que je suis, que j’ai été peintre. »
Avec une vingtaine d’ateliers professionnels en France, les maîtres-imprimeurs de l’estampe se trouvent aujourd’hui dans la même situation que celle de la lutherie en France lorsque Etienne VATELOT crée l’institut de Mirecourt, en 1970. Au XIXe siècle. Mirecourt était la référence mondiale de la lutherie avec plus de 650 luthiers qui se sont succédé dans la cité. » Le métier de luthier semblait appeler à disparaître dans les années 1960, avec seulement une cinquantaine de fabricants dans l’Hexagone. La cité de Mirecourt n’échappait pas à la règle avec seulement deux « survivants » Jean EURLY et René MORIZOT.
A Mirecourt Etienne VATELOT assurera la transmission des savoir-faire a une nouvelle génération d’artisans et redonnera à la France la place centrale qu’elle occupe aujourd’hui dans ce domaine de la facture instrumentale.
La création en 2017 à Rodez, de l’Institut des Métiers de l’Estampe Originale (association loi de 1901 d’intérêt général à caractère culturel) s’inscrit dans cette perspective d’accompagner la transmission de ce patrimoine aujourd’hui encore préservé par une vingtaine de maîtres imprimeurs Français.